Edito 2020-21

Friedrich Hölderlin, philosophe allemand du début du 19ème siècle, s’interrogeait : « Pourquoi faut-il encore des poètes en temps de détresse ? » Cette détresse à laquelle il fait référence n’est plus tout à fait la nôtre et pourtant son questionnement résonne à mes oreilles en ces temps difficiles.

Oui des poètes. Oui des artistes. Oui des lieux de culture. Oui des rassemblements de masse. Pour partager. Pour communier. Pour se rappeler notre humanité.

Pourquoi le poète ? parce qu’en réajustant le sens et le sensible, en auscultant d’innommables passions, le poète traverse les identités, les frontières et les fondations, et il rend partageable la coprésence à autrui.

Il est donc inévitable, indispensable qu’on aille chercher le poète quand l’humanité s’écroule, et qu’on lui demande à lui, tout simplement de recommencer. Car sans lui, il n’y aura plus de « toucher intérieur » partageable, il n’y aura plus d’humanité.

Ceci est extrait du discours de la philosophe Julia Kristeva au Théâtre de La Colline à Paris en novembre 2016, celle-ci est invitée à répondre à la question de Hölderlin, adaptée à un autre présent. Cette idée d’un « toucher intérieur » provoqué par la rencontre avec la poésie me bouleverse. Si les contacts physiques sont proscrits dans notre monde d’après, cette connexion à l’intériorité ne doit pas disparaitre.

Le Théâtre de la Vie vous ouvrira ses portes en tenant compte des mesures sanitaires et il continuera à vous rassembler, poètes que vous êtes, humains que nous sommes, pour redéployer cette pratique en apparence inutile, quasi invisible dans le champs politique de cette crise exceptionnelle, mais qui, si l’on en croit Hölderlin, « fonde ce qui demeure ». Ce qui demeure, les artistes le fondent. Ce qui demeure c’est la pensée créative vivante qui le fonde.

Je vous souhaite malgré tout une très belle saison théâtrale 2020/2021.

Peggy Thomas, directrice