LE CORPS MULTIPLE

« Ceci est mon corps » … Cette pièce jubilatoire nous expose avec un humour et une vitalité extraordinaire les chemins complexes de l’accès au plaisir des femmes. Toutes nous pouvons nous retrouver à un moment ou l’autre du spectacle.

Pourquoi est-ce encore si difficile, si compliqué, pour la plupart des femmes de jouir de ce corps qui a tout ce qu’il faut pour cela ?

 

Qu’est-ce qui nous pousse, ou nous empêche, de nous intéresser à la sexualité – la nôtre d’abord et aussi celle des autres ?

 

Au vingt-et-unième siècle, dans notre partie du monde, la sexualité est paraît-il libérée. Nous devrions pouvoir « jouir sans entrave » pour reprendre un célèbre slogan de mai 68. Et pourtant…

 

Si les murs de nos cabinets de consultation pouvaient parler, ils raconteraient des histoires souvent bien tristes.

 

Ils raconteraient des histoires de femmes, et d’hommes, qui souffrent. Ils souffrent de solitude, de relations difficiles, de désirs impossibles à assouvir, de plaisir inaccessible. Ils sont mal dans leur corps. Ils sont mal dans ce corps équipé de série pour le plaisir et qui ne répond pas à leurs attentes. Ils sont mal à l’aise avec ce corps de l’Autre à la fois si désirable et si mystérieux.

 

Ce corps n’est-il que l’enveloppe charnelle et, somme toute, dispensable, de l’âme, partie noble de notre être ? C’est le message que la culture judéo-chrétienne nous a transmis pendant des siècles et dont nous pensons aujourd’hui nous être affranchis. A tort.

 

L’enveloppe charnelle de « méprisable » est devenue objet de culte. Le corps désirable – et autorisé à être désirant – est un corps formaté aux critères impossibles à atteindre. Haro sur les corps imparfaits, vieillissants, malades, handicapés. Le désir, les caresses ne s’adressent pas à ces corps là. Ne parlons pas des corps mourants ou morts qui ont disparu de notre paysage. On meurt aujourd’hui à l’hôpital dans la discrétion – et la solitude – la plus totale.

 

Nous croyons avoir supprimé les interdits, nous les avons seulement inversés. Nous avons transformé les interdits en contraintes.

 

Le désir et le plaisir étaient interdits. Ils sont devenus « obligatoires ». Ils doivent être « conformes ». Il faut être perpétuellement désirant. Il faut jouir « comme il faut » et quand il faut. Si on est une femme, il faut, en plus, jouir à répétition. La femme Kalashnikov.

 

Qu’en est-il du corps plaisir, du bonheur d’être femme, de la fierté d’être homme ? Qu’en est-il de la magie de la rencontre ? De l’émerveillement du plaisir offert et reçu ? Simplement, naturellement …

 

Comment habiter ce corps à jouir sans complexe, sans culpabilité, dans le partage et le respect, sans oublier la joie ?

 

Que nous réserve l’avenir ? Aux femmes ? Aux hommes ? Comment allons-nous vivre ensemble entre hommes et femmes ? Quel avenir pour le couple ?

 

Saurons-nous faire sauter les verrous qui cadenassent l’accès à un érotisme solaire, jubilatoire, ludique, créatif, joyeux ?

 

Sommes-nous capables de faire sauter ces verrous pour laisser place à la chatoyante exubérance des plaisirs multiples dont nos corps sont capables si nous nous en donnons la peine ?

 

Françoise Louis-Morin

www.francoiselouismorin.be

Crédit photo : Séroux

 

www.seroux.be

 

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